Lors de nos randonnées en montagne cet été l’obsession de mon fils était de comprendre la méthode qu’utilisaient les cartographes pour établir les relevés et dessiner les cartes, avant les GPS, les photos satellites ou les photos par avion… il voulait absolument apprendre comment faire !
L’occasion d’expliquer aux enfants le travail fait par les géomètres du XIXeme siècle , et de faire un peu de trigonométrie…
L’occasion également de faire comprendre aux enfants de façon subtile la notion « la carte n’est pas le territoire » (fameuse formule d’Alfred Korzybski) : la carte ne peut représenter que ce que le cartographe connaît, que ce que le cartographe estime digne d’intérêt d’être représenté, et qu’elle a été construite sur la base de normes de représentation, donc une vision tronquée et déformée de la réalité ! et c’est généralisable à beaucoup de domaines… Mais bon ça c’était juste au passage 😉
Nous avons commencé par un cas simple, « en chambre » : mesurer une distance par triangulation.
Faire des mesures de distance par triangulation…
Ingredients
- une planche de carton
- un rapporteur
- un regle
- des punaises - pour la visée
- pointeur laser - facultatif, mais fun 🙂
Instructions
Attaquons-nous à la trigonométrie :
Nous connaissons la distance entre les deux points de visée, et nous gardons un angle droit sur la première visée pour simplifier les calculs.
la distance sera donnée en multipliant la tangente de l'angle mesuré par la distance entre les deux points de visée.
On prépare l'outil de mesure :
la première visée se fait sur le coté gauche de la planche -on matérialise la visée avec deux punaises- :
une fois mis dans l'axe de la place le point à mesurer, on ne touche plus à la planche et on déplace l'index pour que le deuxième axe de visée soit parfaitement aligné sur ce point
on relève l'angle indiqué par l'index ...
C'est le moment d'être extrêmement précis car une toute petite erreur d'angle peut faire de nombreux kilomètres... privilégier donc le rapporteur 🙂
plus qu'à appliquer la formule précitée pour calculer (votre téléphone intelligent saura gérer la tangente 😉 )
vous pouvez ensuite faire vérifier aux enfants avec un mètre à ruban pour voir à quel point la précision de la mesure de l'angle est importante !
Pour un peu plus de décorum vous pourrez aussi utiliser un pointeur laser 🙂
En ayant compris cela, nous pouvons donc passer à la triangulation sur le terrain. Il suffit pour cela d'avoir une boussole de visée et une carte de la région. (pas de calculs nécessaires !)
On repère dans le paysage deux points caractéristiques bien visibles (pylône télécoms, clocher d'église, château d'eau…) (idéalement trois, le troisième servant à confirmer que les mesures sont correctes, et à estimer la marge d'erreur).
On les repère sur la carte.
On mesure depuis l'endroit où l'on est l’azimut (l'angle par rapport au nord) de ces points caractéristiques, au moyen de la boussole de visée.
On trace à partir de ces points sur la carte des droites dans la direction inverse de leur azimut respectif.
L'intersection des droites doit correspondre à la position où l'on se trouve sur la carte. En triangulant les points remarquables on finit par avoir un maillage à partir duquel on pourra dessiner la carte. C'est le fondement de la géodésie (le tracé des cartes).
Pour aller plus loin :
Maintenant pour calculer la distance entre les points, il faut déjà connaître au moins une distance, et deux angles de visée. Il suffit ensuite d'exploiter la fameuse formule des sinus, dans un triangle quelconque (pas d'angle droit) ABC, de côtés BC = a, AC = b, AB = c :
Si nous connaissons la distance du coté c, et les angles A et B,
Déjà on déduit l'angle C, comme la somme des angles d'un triangle est égale à 180°, puis on applique :
votre téléphone intelligent se fera un plaisir de vous donner le résultat en qques microsondes, et hop ! 🙂
La première carte précise de la France (180 feuilles) établie ainsi par triangulation date de 1784, grâce à Cassini de Thury, petit-fils de l'astronome Jean Dominique Cassini. Les géomètres de l'époque utilisaient des instruments optiques, comme le théodolite, permettant de mesurer les angles de visée avec précision.
pour aller encore plus loin :
Suite à cette carte de Cassini, dont l’absence de mise à jour posait problème, une ordonnance royale de 1827 ordonne l’exécution de la carte d’État-Major (carte générale de la France, nom faisant référence aux officiers d’État-Major qui ont réalisé les levés) au Dépôt de la Guerre… mais toujours selon les mêmes méthodes, modulo quelques ajustements de précision dus aux progrès fait en trigonométrie sphérique (ben oui, la terre n’est pas plate, cela fausse les mesures !) et à l’adoption de normes de projection (la projection c’est la manière d’étirer la surface du globe pour pouvoir la représenter à plat, comme un ballon de baudruche que vous fendriez puis étaleriez sur une table… ici c’est la projection dite de Bonne qui est utilisée pour la carte d’état major – pour la carte du monde que vous avez en tête c’est la projection de Mercator qui est traditionnellement utilisée)
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